Candide chassé du meilleur des mondes - Voltaire

Tu le sais sûrement (mais on va répéter on sait jamais) : le siècle de Voltaire, le XVIIIème siècle, c’est le siècle des Lumières. Les Lumières c’est un mouvement culturel, philosophique, littéraire et intellectuel qui croit au progrès du monde par la raison. Il combat l’arbitraire, l’obscurantisme et la superstition des siècles passés. Pour la faire simple : les Lumières affirment la primauté de la raison sur la foi et la croyance.

Sauf qu’à l’époque, les grands boss de l’Eglise et du Royaume, ils sont pas hyper fans de tout ça. Généralement si t’es pécho en train de critiquer Dieu ou l’ordre établi, c’est direct la Bastille (Voltaire y a été envoyé). Donc il faut camoufler ce que l’on dit vraiment et on a beaucoup recours à des jeux d’ironie. Oublie pas l’ironie chez Voltaire : y en a PARTOUT. L’ironie c’est dire le contraire de ce qu'on veut faire entendre.

Pour bien comprendre Candide, faut connaître le contexte. Deux événements ont récemment bouleversé Voltaire quand il se met à écrire Candide : le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 et le début de la guerre de Sept Ans en 1756. Au point qu’il écrit que : « Presque toute l’histoire est une suite d’atrocités inutiles » (Essai sur l’histoire générale, 1756). Donc tu vois : Voltaire, il est pas hyper optimiste sur tout ça.

Or au tout début du XVIIIème siècle, un philosophe nommé Leibniz (hyper fort le mec, c’est lui qui a inventé calcul infinitésimal et le système binaire à la base des ordinateurs d’aujourd’hui), a développé l’idée que Dieu est un « principe de raison suffisante » (ça veut dire que Dieu est la cause première de toutes les choses), et que Dieu étant parfait et bon, il a donc créé « le meilleur des mondes possibles ». C’est l’optimisme leibnizien.

Et Voltaire, il est pas du tout, mais alors pas du tout d’accord avec ça, quitte à simplifier grandement les choses (voire à être un peu malhonnête, car c’est très compliqué chez Leibniz en fait). Voltaire pense que cet optimisme ne mène qu’au fatalisme, puisque s’il y a des mauvaises choses qui arrivent, elles sont encore « bonnes », puisque Dieu les a voulues et qu’on peut rien y faire. NO FUC**** WAY pour Voltaire : penser ça c’est être « candide », naïf, voire obscurantiste, d’où le titre de son conte philosophique. Candide est donc une critique de l’optimisme de Leibniz.

Dieu a aussi voulu la misère, la famine et la mort : il faut être réaliste et il faut ouvrir les yeux des gens. En cela, Candide est un conte qui s’inscrit bien dans le courant des Lumières.

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Candide chassé du meilleur des mondes - Voltaire

Chapitre I
[…]
Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu'on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile. Comme Mlle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s'en retourna toute agitée, toute pensive, toute remplie du désir d'être savante, songeant qu'elle pourrait bien être la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne.\r\n\nElle rencontra Candide en revenant au château, et rougit ; Candide rougit aussi ; elle lui dit bonjour d'une voix entrecoupée, et Candide lui parla sans savoir ce qu'il disait. Le lendemain après le dîner, comme on sortait de table, Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent ; Cunégonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa, elle lui prit innocemment la main, le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une sensibilité, une grâce toute particulière ; leurs bouches se rencontrèrent, leurs yeux s'enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs mains s'égarèrent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa auprès du paravent, et voyant cette cause et cet effet, chassa Candide du château à grands coups de pied dans le derrière ; Cunégonde s'évanouit ; elle fut souffletée par madame la baronne dès qu'elle fut revenue à elle-même ; et tout fut consterné dans le plus beau et le plus agréable des châteaux possibles."

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Candide chassé du meilleur des mondes - Voltaire

I. La parodie du paradis terrestre

« Un jour, Cunégonde, … qui pouvait aussi être la sienne ».

1. Un paradis terrestre ironisé

Le texte se présente comme un récit parodique du péché originel, transféré dans un contexte moderne. « Le petit bois », « les broussailles », rappellent le Jardin d’Eden. Le livre de la Genèse (premier livre de la Bible) décrit un jardin, jardin merveilleux où poussent toutes sortes d'arbres et de plantes aux fruits délicieux, et où cohabitent en harmonie tous les animaux, sous la direction de l'Homme. C’est dans ce jardin que se trouve l’arbre de la connaissance auquel l’homme goûtera le fruit défendu et sera alors chassé du Paradis terrestre.

Le cadre est idyllique, marqué par l'opulence (mention du château et parc) l'ordre : chaque chose ou personne est à sa place et est désigné par son rang (« Le docteur », « Mlle Cunégonde », « jeune Candide », « la femme de chambre »). Beaucoup d’hyperboles et de superlatifs : « très jolie et très docile », « le plus beau et le plus agréable ».

Pour autant, on sent que ce paradis n’est qu’une parodie : intrusion de l'ironie voltairienne qui laisse entrevoir une harmonie et nature idyllique de l'Eden en trompe-l'œil. Ainsi, le « parc » n’est en fait qu’un « petit bois », ce qui sous-entend qu’il n’est pas entretenu et est laissé à l’abandon. Ce sont des « broussailles », terme assez péjoratif, qui montre encore que le jardin n’est pas vraiment ordonné.

2. La leçon de choses

Plus encore la figure savante est la cible principale de l'ironie. Le texte joue massivement sur des euphémismes ironiques où le raisonnement philosophique, pastiche de Leibniz est tourné en ridicule. Leibniz, penseur, optimiste, est ici raillé par Voltaire qui ne croyait pas dans la pensée du « meilleur des mondes possibles ».

Sauf qu’ici, le raisonnement du docteur Pangloss, qui figure Leibniz, est à double sens sexuel. La « leçon de choses » qu’il donne à la servante, n’est autre que Pangloss et ladite servante en train de coucher dans les buissons. L'acte charnel est désigné par la « leçon de physique expérimentale » ou « expériences réitérées », auquel s'appliquent les termes repris à la démonstration de Pangloss : la « raison suffisante », « effets et causes » font référence en réalité à l’acte sexuel.

Le raisonnement monte une fausse causalité, introduite par « comme », avec assimilation « dispositions aux sciences » (il faut comprendre disposition à la chose sexuelle), jusqu’au voyeurisme (Cunégonde « observe » l’acte…), avec un rythme ternaire et gradué qui va de l'émotion au savoir, et qui aboutit au contremploi du concept de raison suffisante (= l’orgasme).

II. La relecture ironique du péché originel et de la chute

« Elle rencontra Candide… le plus beau et le plus agréable des châteaux possibles. »

1. Le drame de la tentation

Dans une perspective parodique, on observe une redistribution des rôles : Pangloss, par son titre de « docteur », est le gardien de la connaissance et par son comportement le tentateur : c’est une parodie du serpent et de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, avec effet comique puisque Pangloss fornique (au sens biblique du terme : commettre le péché de luxure).

Cunégonde devient alors Eve, l'instigatrice de la faute : elle laisse tomber son mouchoir, comme Eve tend la pomme à Adam) pour tenter et séduire Candide. Il y a une association entre savoir (en l'occurrence sexuel) et honte (répétition de « rougir », « voix entrecoupée » ou confusion de Candide) débouchant sur un besoin de se cacher (avec le paravent) : c’est une réécriture ironique du récit du péché originel, où Adam et Eve, après avoir mangé le fruit défendu, réalisent être nus et cachent leurs parties honteuses avec des feuilles.

2. L’innocence feinte

Ce décalage ironique, entre désir et savoir, ridiculise tout autant le faux-savant Pangloss que la jeune Cunégonde, à l'innocence feinte : d'où la démarche de séduction, parfaitement calculée (initiative de Cunégonde), rituel rodé avec des parallélismes comme automatisé, souligné par la parataxe et la répétition des prénoms.

Il y a un jeu ironique avec la répétition de l'adverbe « innocemment » (pas la même valeur), au seuil d'un passage au rythme particulièrement tendu : rythme ternaire et asyndète (union des corps dans les métonymies et verbes réfléchis). L’évanouissement trahit peut-être une feinte pour échapper aux conséquences de ses actes.

3. La chute

D'où le dénouement malheureux aboutissant à l'exil de Candide : d'emblée un enchaînement haletant comme une fatalité irrésistible avec une parataxe marquée par les points-virgules avec accélération au moment de la chute.

Les actions s'enchaînent comme dénuées de raison ou de liens, comme si les personnages n'étaient que les jouets du destin. On peut relever le comique de la parodie avec le grotesque de la situation -le baron tient lieu de divinité anthropomorphe en décalage avec le Dieu de la Bible : mentions triviales (« passa auprès ») ou châtiments corporels (« chassa à grands coups de pied dans le derrière », « fut souffletée ») et enfin hyperbole conclusive (« tout fut consterné ») marquant l'irréversibilité du péché originel et le début du roman d'initiation.

Voltaire se livre ici à une très belle réécriture parodique de l’épisode du péché originel de la Bible. Non content de le tourner en ridicule, il ridiculise aussi l’optimisme de Leibniz, qui est la cible principale de son Candide (d’où le sous-titre : ou l’optimisme). Candide, chasse de ce vrai-faux paradis terrestre, va alors découvrir le monde, et va aller de déconvenue en déconvenue sur les chemins d'un long voyage initiatique (parodie du roman d’apprentissage

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