La scène du bal - Marie Madeleine La Fayette

      Ici tu apprends à commenter La Princesse de Clèves, de Madame de La Fayette : on suivra un plan linéaire marqué par 3 mouvements, correspondant à 3 parties du texte bien précise. Plus précisément on va se pencher sur un passage incontournable, la scène de bal durant laquelle De Nemours rencontre pour la première fois l'héroïne. Entre les lignes, et l'on en parlera (tkt), c'est le coup de foudre immédiat!

      1678.

      C'est la date à laquelle Madame de La Fayette publie anonymement son roman.

      1678, autant te dire que certaines choses ont changé depuis... Les snaps et stories ont remplacé les bals de la Cour. Mais dans le fond, les regards guettent encore et le ragots courrent toujours, à l'affût de la moindre romance naissante!

      Tu vois le genre ? Très bien, on est paré pour le commentaire...

      Ici tu apprends à commenter La Princesse de Clèves, de Madame de La Fayette : on suivra un plan linéaire marqué par 3 mouvements, correspondant à 3 parties du texte bien précise. Plus précisément on va se pencher sur un passage incontournable, la scène de bal durant laquelle De Nemours rencontre pour la première fois l'héroïne. Entre les lignes, et l'on en parlera (tkt), c'est le coup de foudre immédiat!

      1678.

      C'est la date à laquelle Madame de La Fayette publie anonymement son roman.

      1678, autant te dire que certaines choses ont changé depuis... Les snaps et stories ont remplacé les bals de la Cour. Mais dans le fond, les regards guettent encore et le ragots courrent toujours, à l'affût de la moindre romance naissante!

      Tu vois le genre ? Très bien, on est paré pour le commentaire...




La scène du bal - Marie Madeleine La Fayette

      Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu'elle arriva, l'on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec Monsieur de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu'un qui entrait, et à qui on faisait place. Madame de Clèves acheva de danser et, pendant qu'elle cherchait des yeux quelqu'un qu'elle avait dessein de prendre, le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu'elle crut d'abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l'on dansait. Ce prince était fait d'une sorte qu'il parut difficile de n'être pas surprise de le voir quand on ne l'avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu'il avait pris de se parer augmentait encore l'air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement.

      Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Roi et les Reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vu, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur laisser le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.

      -Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n'ai pas d'incertitude ; mais comme Madame de Clèves n'a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j'ai pour la reconnaître, je voudrais que votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

      -Je crois, dit Madame La Dauphine, qu'elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

      -Je vous assure, Madame, reprit Madame de Clèves qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

      -Vous devinez fort bien, répondit Madame la Dauphine ; et il y a même quelque chose d'obligeant pour Monsieur de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez déjà sans l'avoir jamais vu.

      Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu'elle arriva, l'on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec Monsieur de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu'un qui entrait, et à qui on faisait place. Madame de Clèves acheva de danser et, pendant qu'elle cherchait des yeux quelqu'un qu'elle avait dessein de prendre, le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu'elle crut d'abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l'on dansait. Ce prince était fait d'une sorte qu'il parut difficile de n'être pas surprise de le voir quand on ne l'avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu'il avait pris de se parer augmentait encore l'air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement.

      Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Roi et les Reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vu, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur laisser le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.

      -Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n'ai pas d'incertitude ; mais comme Madame de Clèves n'a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j'ai pour la reconnaître, je voudrais que votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

      -Je crois, dit Madame La Dauphine, qu'elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

      -Je vous assure, Madame, reprit Madame de Clèves qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

      -Vous devinez fort bien, répondit Madame la Dauphine ; et il y a même quelque chose d'obligeant pour Monsieur de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez déjà sans l'avoir jamais vu.




La scène du bal - Marie Madeleine La Fayette

I. Le hasard des coïncidences

Du début à « ...de prendre celui qui arrivait. »

1. Une beauté inouïe

      D'emblée le personnage se singularise par son apparence exceptionnelle.

      Cadre de la cour (bal de fiançailles au Louvre, qui servait à l'époque de palais royal, avant Versailles) → efforts de préparation (« se parer » avec complément temporel « tout le jour »), signe que c'est un lieu d'apparences par excellence. De fait l'héroïne se fait remarquer : opposition entre sa personne (« elle ») et la masse anonyme de la Cour désignée par le pronom indéterminé « on » -comme si les gens ne s'y affirmaient qu'à condition d'être objet d'admiration ; ici rythme binaire (1 « sa beauté » 2 « et sa parure »), pour redoubler l'apparence artificielle de celle naturelle.

      Par son exceptionnelle beauté, Madame de Clèves, au centre des regards, s'affirme comme l'héroïne de la soirée.

2. Une arrivée inattendue

      Si héroïne il y a, le héros manque encore : les choix narratifs théâtralise cette attente.

      Insistance sur la coïncidence (« comme elle dansait », plus loin « pendant qu'elle cherchait ») pour accentuer l'idée d'accident, de pur hasard ; violence théâtrale (« grand bruit » qui s'oppose à l'idée de musique et de danse) ; surtout impressions de mystère avec les mentions vagues (« vers la porte », « comme de »), tournure impersonnelle sans sujet précis (« il se fit ») ou les sujets indéterminé (« quelqu'un » et « on ») → point de vue de l'héroïne qui ne voit pas encore qui arrive mais pressent l'évènement, la rencontre à venir.

      Partageant le point de vue de l'héroïne, le lecteur se pose des questions, dans une posture d'attente intriguée.

3. L'appel du destin

      Pas à pas, la coïncidence accidentelle se transforme en signe du destin : l'héroïne trouve son héros...

      Montée de l'intensité : fin de la danse qui pousse l'héroïne à chercher un partenaire, avec jeu de regard (« cherchait des yeux » sans trouver personne de remarquable mais geste libre avec « avoir dessein ») puis rupture avec le cri du Roi : figure d'autorité, d'où la force du verbe crier et la construction infinitive, exprimant l'idée de commandement, d'ordre ; de plus le démonstratif « celui qui arrivait » montre que lui sait l'identité du nouveau-venu et forme donc le couple intentionnellement→ thème de la fatalité : l'héroïne n'a pas le choix, une puissance supérieure décide pour elle.

      Le commandement royal, clôturant le jeu de coïncidences, est en fin de compte symbolique de l'appel irrésistible du destin.

II. Regards croisés

De « Elle se tourna... » à « ...un murmure de louanges.. »

1. Premier regard : Madame de Clèves

      Se poursuit la focalisation interne : nous partageons le premier regard sur De Nemours.

      Impression d'une élection dans la reconnaissance immédiate : opposition de l'indéfini « un homme » et du nom propre « Monsieur de Nemours », avec la tournure négative restrictive « ne pouvoir être que... » pour renforcer la certitude ; de même litote dans la tournure négative « difficile de n'être pas surprise » (=facile d'être surprise) pour accentuer la forte impression ; redoublement de la beauté habituelle par celle de « ce soir-là », exceptionnelle + comme pour l'héroïne, beauté double, artificielle (« se parer » comme avant) et naturelle (« air brillant ») → premier lien entre les 2 personnages, leurs beautés complètes.

      Ce premier regard se prolonge par celui symétrique de Nemours : la focalisation bascule dans son point de vue.

2. Premier regard : Monsieur De Nemours

      La rupture de point de vue, et ses effets de symétrie, accentue le lien entre les amants.

      Rupture avec l'opposition « mais » et parallélisme de construction (forme impersonnelle « il était difficile » avec tournure négative « sans avoir... ») pour marquer la forte impression à la vue de l'héroïne ; perte de moyens de Nemours : structure consécutive (« tellement surpris... que... ») pour insister sur la surprise ouvrant sur la négative (« ne put s'empêcher ») ; aberration : au milieu de la Cour, lieu des apparences et des convenances (« la révérence », signe de politesse), il laisse voir le fond de sa pensée (les « marques de son admiration ») ; il devient transparent là où tout le monde se déguise -aveu de faiblesse laissant deviner la puissance de l'amour !

      Les focalisations successives ont créé au cœur même de la narration un lien étroit entre les deux personnages.

3. Le regard de la cour

      Ce lien intime, passant par le premier regard, est accentué par la perception de la Cour, témoin de cet amour naissant.

      Nouveau basculement : focalisation interne → externe // regard extérieur de la Cour qui renvoie les émotions (ravivées par la sensualité de la danse) dans le secret des âmes ; image du public de théâtre admiratif → double anonymat, avec la tournure impersonnelle « il s'éleva » et l'idée de parole inarticulée (« un murmure de louanges ») ; pressentiment du sentiment amoureux (« trouvèrent singulier » → signe de l'élection amoureuse) par les figures de puissance curieuses qui jouent avec eux (appel impérieux -« sans leur laisser le loisir », puis questions indirectes), un peu comme au théâtre quand le monarque complimente ses acteurs après les applaudissements.

      Le coup de foudre, narré au travers d'une double focalisation interne, est aussitôt occulté par le point de vue de la Cour, en quête de spectacle mais par-là même incitant à la dissimulation.

III. Tragiques présages

De « Le Roi et les Reines... » à la fin.

1. Le courtisan

      De fait, l'amant est sommé d'avouer son intérêt pour l'héroïne : il répondra en homme de Cour avant tout.

      Aveu habile de Nemours : litote dans la négation double (« je n'ai pas d'incertitude » = j'ai une extrême certitude) pour minimiser la forte impression que lui a fait l'héroïne ; puis diversion en reportant l'interrogation sur l'héroïne, sans expliciter les « raisons » -à savoir la beauté- tout en jouant la fausse modestie -il sous-entend que sa beauté à lui n'égale pas la sienne- pour désamorcer l'idée d'une « affaire » naissante puisqu'il n'est pas à la hauteur ; enfin détachement feint dans sa demande à la Reine, comme si c'était lui qui demandait à être présenté.

      Nemours sauve les apparences en neutralisant l'aveu amoureux.

2. L'ingénue

      Ce faisant, Nemours s'oppose totalement à l'héroïne, qui a un tout autre rapport à la parole et à la vérité...

      L'héroïne est d'emblée sur la défensive : mention de son apparence gênée (//focalisation externe = œil de la Cour) avec « paraissait un peu embarrassée », emploi du verbe « assurer » comme si elle était accusé de dissimulation, et euphémisme « je ne devine pas si bien que vous pensez » (=je ne sais pas) ; d'où le piège ultime de la Dauphine explicitant le sentiment caché, avec la formule indéterminée « il y a même quelque chose d'obligeant », dont le caractère vague vise à souligner ce à quoi tout le monde pense -l'amour.

      Le coup de foudre se ponctue d'emblée par un sentiment de faute pour l'héroïne.

      Cela laisse deviner le dénouement malheureux de cet amour : bien que les deux amants paraissent faits l'un pour l'autre, par leurs apparences et le destin à l'origine de leur rencontre, ils s'opposent par leurs rapports à la parole, et donc à la Cour. Madame de Clèves ne sait pas cacher ses sentiments aux yeux de celle-ci, avide d'intrigues amoureuses ; elle devra donc lutter pour oublier cet amour naissant.

I. Le hasard des coïncidences

Du début à « ...de prendre celui qui arrivait. »

1. Une beauté inouïe

      D'emblée le personnage se singularise par son apparence exceptionnelle.

      Cadre de la cour (bal de fiançailles au Louvre, qui servait à l'époque de palais royal, avant Versailles) → efforts de préparation (« se parer » avec complément temporel « tout le jour »), signe que c'est un lieu d'apparences par excellence. De fait l'héroïne se fait remarquer : opposition entre sa personne (« elle ») et la masse anonyme de la Cour désignée par le pronom indéterminé « on » -comme si les gens ne s'y affirmaient qu'à condition d'être objet d'admiration ; ici rythme binaire (1 « sa beauté » 2 « et sa parure »), pour redoubler l'apparence artificielle de celle naturelle.

      Par son exceptionnelle beauté, Madame de Clèves, au centre des regards, s'affirme comme l'héroïne de la soirée.

2. Une arrivée inattendue

      Si héroïne il y a, le héros manque encore : les choix narratifs théâtralise cette attente.

      Insistance sur la coïncidence (« comme elle dansait », plus loin « pendant qu'elle cherchait ») pour accentuer l'idée d'accident, de pur hasard ; violence théâtrale (« grand bruit » qui s'oppose à l'idée de musique et de danse) ; surtout impressions de mystère avec les mentions vagues (« vers la porte », « comme de »), tournure impersonnelle sans sujet précis (« il se fit ») ou les sujets indéterminé (« quelqu'un » et « on ») → point de vue de l'héroïne qui ne voit pas encore qui arrive mais pressent l'évènement, la rencontre à venir.

      Partageant le point de vue de l'héroïne, le lecteur se pose des questions, dans une posture d'attente intriguée.

3. L'appel du destin

      Pas à pas, la coïncidence accidentelle se transforme en signe du destin : l'héroïne trouve son héros...

      Montée de l'intensité : fin de la danse qui pousse l'héroïne à chercher un partenaire, avec jeu de regard (« cherchait des yeux » sans trouver personne de remarquable mais geste libre avec « avoir dessein ») puis rupture avec le cri du Roi : figure d'autorité, d'où la force du verbe crier et la construction infinitive, exprimant l'idée de commandement, d'ordre ; de plus le démonstratif « celui qui arrivait » montre que lui sait l'identité du nouveau-venu et forme donc le couple intentionnellement→ thème de la fatalité : l'héroïne n'a pas le choix, une puissance supérieure décide pour elle.

      Le commandement royal, clôturant le jeu de coïncidences, est en fin de compte symbolique de l'appel irrésistible du destin.

II. Regards croisés

De « Elle se tourna... » à « ...un murmure de louanges.. »

1. Premier regard : Madame de Clèves

      Se poursuit la focalisation interne : nous partageons le premier regard sur De Nemours.

      Impression d'une élection dans la reconnaissance immédiate : opposition de l'indéfini « un homme » et du nom propre « Monsieur de Nemours », avec la tournure négative restrictive « ne pouvoir être que... » pour renforcer la certitude ; de même litote dans la tournure négative « difficile de n'être pas surprise » (=facile d'être surprise) pour accentuer la forte impression ; redoublement de la beauté habituelle par celle de « ce soir-là », exceptionnelle + comme pour l'héroïne, beauté double, artificielle (« se parer » comme avant) et naturelle (« air brillant ») → premier lien entre les 2 personnages, leurs beautés complètes.

      Ce premier regard se prolonge par celui symétrique de Nemours : la focalisation bascule dans son point de vue.

2. Premier regard : Monsieur De Nemours

      La rupture de point de vue, et ses effets de symétrie, accentue le lien entre les amants.

      Rupture avec l'opposition « mais » et parallélisme de construction (forme impersonnelle « il était difficile » avec tournure négative « sans avoir... ») pour marquer la forte impression à la vue de l'héroïne ; perte de moyens de Nemours : structure consécutive (« tellement surpris... que... ») pour insister sur la surprise ouvrant sur la négative (« ne put s'empêcher ») ; aberration : au milieu de la Cour, lieu des apparences et des convenances (« la révérence », signe de politesse), il laisse voir le fond de sa pensée (les « marques de son admiration ») ; il devient transparent là où tout le monde se déguise -aveu de faiblesse laissant deviner la puissance de l'amour !

      Les focalisations successives ont créé au cœur même de la narration un lien étroit entre les deux personnages.

3. Le regard de la cour

      Ce lien intime, passant par le premier regard, est accentué par la perception de la Cour, témoin de cet amour naissant.

      Nouveau basculement : focalisation interne → externe // regard extérieur de la Cour qui renvoie les émotions (ravivées par la sensualité de la danse) dans le secret des âmes ; image du public de théâtre admiratif → double anonymat, avec la tournure impersonnelle « il s'éleva » et l'idée de parole inarticulée (« un murmure de louanges ») ; pressentiment du sentiment amoureux (« trouvèrent singulier » → signe de l'élection amoureuse) par les figures de puissance curieuses qui jouent avec eux (appel impérieux -« sans leur laisser le loisir », puis questions indirectes), un peu comme au théâtre quand le monarque complimente ses acteurs après les applaudissements.

      Le coup de foudre, narré au travers d'une double focalisation interne, est aussitôt occulté par le point de vue de la Cour, en quête de spectacle mais par-là même incitant à la dissimulation.

III. Tragiques présages

De « Le Roi et les Reines... » à la fin.

1. Le courtisan

      De fait, l'amant est sommé d'avouer son intérêt pour l'héroïne : il répondra en homme de Cour avant tout.

      Aveu habile de Nemours : litote dans la négation double (« je n'ai pas d'incertitude » = j'ai une extrême certitude) pour minimiser la forte impression que lui a fait l'héroïne ; puis diversion en reportant l'interrogation sur l'héroïne, sans expliciter les « raisons » -à savoir la beauté- tout en jouant la fausse modestie -il sous-entend que sa beauté à lui n'égale pas la sienne- pour désamorcer l'idée d'une « affaire » naissante puisqu'il n'est pas à la hauteur ; enfin détachement feint dans sa demande à la Reine, comme si c'était lui qui demandait à être présenté.

      Nemours sauve les apparences en neutralisant l'aveu amoureux.

2. L'ingénue

      Ce faisant, Nemours s'oppose totalement à l'héroïne, qui a un tout autre rapport à la parole et à la vérité...

      L'héroïne est d'emblée sur la défensive : mention de son apparence gênée (//focalisation externe = œil de la Cour) avec « paraissait un peu embarrassée », emploi du verbe « assurer » comme si elle était accusé de dissimulation, et euphémisme « je ne devine pas si bien que vous pensez » (=je ne sais pas) ; d'où le piège ultime de la Dauphine explicitant le sentiment caché, avec la formule indéterminée « il y a même quelque chose d'obligeant », dont le caractère vague vise à souligner ce à quoi tout le monde pense -l'amour.

      Le coup de foudre se ponctue d'emblée par un sentiment de faute pour l'héroïne.

      Cela laisse deviner le dénouement malheureux de cet amour : bien que les deux amants paraissent faits l'un pour l'autre, par leurs apparences et le destin à l'origine de leur rencontre, ils s'opposent par leurs rapports à la parole, et donc à la Cour. Madame de Clèves ne sait pas cacher ses sentiments aux yeux de celle-ci, avide d'intrigues amoureuses ; elle devra donc lutter pour oublier cet amour naissant.

I. Le hasard des coïncidences

Du début à « ...de prendre celui qui arrivait. »

1. Une beauté inouïe

      D'emblée le personnage se singularise par son apparence exceptionnelle.

      Cadre de la cour (bal de fiançailles au Louvre, qui servait à l'époque de palais royal, avant Versailles) → efforts de préparation (« se parer » avec complément temporel « tout le jour »), signe que c'est un lieu d'apparences par excellence. De fait l'héroïne se fait remarquer : opposition entre sa personne (« elle ») et la masse anonyme de la Cour désignée par le pronom indéterminé « on » -comme si les gens ne s'y affirmaient qu'à condition d'être objet d'admiration ; ici rythme binaire (1 « sa beauté » 2 « et sa parure »), pour redoubler l'apparence artificielle de celle naturelle.

      Par son exceptionnelle beauté, Madame de Clèves, au centre des regards, s'affirme comme l'héroïne de la soirée.

2. Une arrivée inattendue

      Si héroïne il y a, le héros manque encore : les choix narratifs théâtralise cette attente.

      Insistance sur la coïncidence (« comme elle dansait », plus loin « pendant qu'elle cherchait ») pour accentuer l'idée d'accident, de pur hasard ; violence théâtrale (« grand bruit » qui s'oppose à l'idée de musique et de danse) ; surtout impressions de mystère avec les mentions vagues (« vers la porte », « comme de »), tournure impersonnelle sans sujet précis (« il se fit ») ou les sujets indéterminé (« quelqu'un » et « on ») → point de vue de l'héroïne qui ne voit pas encore qui arrive mais pressent l'évènement, la rencontre à venir.

      Partageant le point de vue de l'héroïne, le lecteur se pose des questions, dans une posture d'attente intriguée.

3. L'appel du destin

      Pas à pas, la coïncidence accidentelle se transforme en signe du destin : l'héroïne trouve son héros...

      Montée de l'intensité : fin de la danse qui pousse l'héroïne à chercher un partenaire, avec jeu de regard (« cherchait des yeux » sans trouver personne de remarquable mais geste libre avec « avoir dessein ») puis rupture avec le cri du Roi : figure d'autorité, d'où la force du verbe crier et la construction infinitive, exprimant l'idée de commandement, d'ordre ; de plus le démonstratif « celui qui arrivait » montre que lui sait l'identité du nouveau-venu et forme donc le couple intentionnellement→ thème de la fatalité : l'héroïne n'a pas le choix, une puissance supérieure décide pour elle.

      Le commandement royal, clôturant le jeu de coïncidences, est en fin de compte symbolique de l'appel irrésistible du destin.

II. Regards croisés

De « Elle se tourna... » à « ...un murmure de louanges.. »

1. Premier regard : Madame de Clèves

      Se poursuit la focalisation interne : nous partageons le premier regard sur De Nemours.

      Impression d'une élection dans la reconnaissance immédiate : opposition de l'indéfini « un homme » et du nom propre « Monsieur de Nemours », avec la tournure négative restrictive « ne pouvoir être que... » pour renforcer la certitude ; de même litote dans la tournure négative « difficile de n'être pas surprise » (=facile d'être surprise) pour accentuer la forte impression ; redoublement de la beauté habituelle par celle de « ce soir-là », exceptionnelle + comme pour l'héroïne, beauté double, artificielle (« se parer » comme avant) et naturelle (« air brillant ») → premier lien entre les 2 personnages, leurs beautés complètes.

      Ce premier regard se prolonge par celui symétrique de Nemours : la focalisation bascule dans son point de vue.

2. Premier regard : Monsieur De Nemours

      La rupture de point de vue, et ses effets de symétrie, accentue le lien entre les amants.

      Rupture avec l'opposition « mais » et parallélisme de construction (forme impersonnelle « il était difficile » avec tournure négative « sans avoir... ») pour marquer la forte impression à la vue de l'héroïne ; perte de moyens de Nemours : structure consécutive (« tellement surpris... que... ») pour insister sur la surprise ouvrant sur la négative (« ne put s'empêcher ») ; aberration : au milieu de la Cour, lieu des apparences et des convenances (« la révérence », signe de politesse), il laisse voir le fond de sa pensée (les « marques de son admiration ») ; il devient transparent là où tout le monde se déguise -aveu de faiblesse laissant deviner la puissance de l'amour !

      Les focalisations successives ont créé au cœur même de la narration un lien étroit entre les deux personnages.

3. Le regard de la cour

      Ce lien intime, passant par le premier regard, est accentué par la perception de la Cour, témoin de cet amour naissant.

      Nouveau basculement : focalisation interne → externe // regard extérieur de la Cour qui renvoie les émotions (ravivées par la sensualité de la danse) dans le secret des âmes ; image du public de théâtre admiratif → double anonymat, avec la tournure impersonnelle « il s'éleva » et l'idée de parole inarticulée (« un murmure de louanges ») ; pressentiment du sentiment amoureux (« trouvèrent singulier » → signe de l'élection amoureuse) par les figures de puissance curieuses qui jouent avec eux (appel impérieux -« sans leur laisser le loisir », puis questions indirectes), un peu comme au théâtre quand le monarque complimente ses acteurs après les applaudissements.

      Le coup de foudre, narré au travers d'une double focalisation interne, est aussitôt occulté par le point de vue de la Cour, en quête de spectacle mais par-là même incitant à la dissimulation.

III. Tragiques présages

De « Le Roi et les Reines... » à la fin.

1. Le courtisan

      De fait, l'amant est sommé d'avouer son intérêt pour l'héroïne : il répondra en homme de Cour avant tout.

      Aveu habile de Nemours : litote dans la négation double (« je n'ai pas d'incertitude » = j'ai une extrême certitude) pour minimiser la forte impression que lui a fait l'héroïne ; puis diversion en reportant l'interrogation sur l'héroïne, sans expliciter les « raisons » -à savoir la beauté- tout en jouant la fausse modestie -il sous-entend que sa beauté à lui n'égale pas la sienne- pour désamorcer l'idée d'une « affaire » naissante puisqu'il n'est pas à la hauteur ; enfin détachement feint dans sa demande à la Reine, comme si c'était lui qui demandait à être présenté.

      Nemours sauve les apparences en neutralisant l'aveu amoureux.

2. L'ingénue

      Ce faisant, Nemours s'oppose totalement à l'héroïne, qui a un tout autre rapport à la parole et à la vérité...

      L'héroïne est d'emblée sur la défensive : mention de son apparence gênée (//focalisation externe = œil de la Cour) avec « paraissait un peu embarrassée », emploi du verbe « assurer » comme si elle était accusé de dissimulation, et euphémisme « je ne devine pas si bien que vous pensez » (=je ne sais pas) ; d'où le piège ultime de la Dauphine explicitant le sentiment caché, avec la formule indéterminée « il y a même quelque chose d'obligeant », dont le caractère vague vise à souligner ce à quoi tout le monde pense -l'amour.

      Le coup de foudre se ponctue d'emblée par un sentiment de faute pour l'héroïne.

      Cela laisse deviner le dénouement malheureux de cet amour : bien que les deux amants paraissent faits l'un pour l'autre, par leurs apparences et le destin à l'origine de leur rencontre, ils s'opposent par leurs rapports à la parole, et donc à la Cour. Madame de Clèves ne sait pas cacher ses sentiments aux yeux de celle-ci, avide d'intrigues amoureuses ; elle devra donc lutter pour oublier cet amour naissant.