Les Aveugles - Charles Baudelaire

      Baudelaire, encore et toujours !
      Ça tombe bien : j'avais une question de bon ton sur le sujet...
      À ton avis, qu'y a-t-il de plus angoissant pour un artiste ?
      Okay : naturellement, on penserait au fait de ne plus pouvoir créer, de devoir renoncer à son art pour x raisons, et de s'emmurer dans un silence de mort !
      Mais il y a pire pourtant...
      Effectivement, un pas en plus dans l'angoisse, ce serait de ne plus être capable de percevoir le beau. Non seulement celui de ses propres oeuvres, mais de toute oeuvre en général. De devenir sourd lorsqu'on est musicien, à la manière d'un Beethoven par exemple ; ou bien aveugle lorsqu'on est peintre, comme Renoir qui souffrait d'une cataracte.
      Mais non, il y a pire encore...
      Et en matière de pire, il n'y a pas meilleur que Baudelaire, comme tu sais !

      Et si l'artiste ne faisait que s'illusionner. lorsqu'il croit voir le beau ?
      Et si ce beau qui se donne à voir n'était rien en définitive, qu'une simple apparence sans valeur ?
      Et si c'étaient en fin de compte les aveugles qui voyaient tout ce qu'il y avait à voir, quand les voyants se laissaient tromper par leurs sens ?
      Mais comment sonder le regard d'un aveugle ?!
      Comment vérifier si le regard de ces mendiants aveugles, au coin des rues, ne portait plus de beauté que ne peuvent en contenir nos espoirs les plus fous ?!

      Merci l'angoisse ; merci Baudelaire...
      Et pour le coup l'emo poète n'est pas seul dans son délire, puisqu'une longue tradition culturelle s'attache à prêter des dons de clairvoyance aux aveugles.
      De fait l'histoire de la littérature occidentale toute entière s'enracine dans les chants du poète grec Homère, présenté par la tradition comme un aveugle itinérant. L'infirmité paraît contrebalancée par la grâce des dieux, source bienheureuses de ses dons artistiques.

      Les mythes antiques mettent à leur tour en scène cette figure de l'aveugle prophétique : c'est le cas du duel entre Tirésias, devin non-voyant, et Oedipe, roi de Thèbes, “ aveuglé ” par son orgueil et sa vanité. Sans le savoir, Oedipe a tué son propre père et épousé sa propre mère : l'aveugle, éclairé par les dieux, le comprend immédiatement mais le roi refuse de le voir et l'accuse de comploter pour le trône. Il finira par se rendre à l'évidence -et se crèvera les yeux !

      Quoi de plus naturel ? C'était déjà un “ aveugle ” en fin de compte...
      Morale de l'histoire : et si c'étaient les non-voyants qui voyaient le mieux ?

      Or cette tendance à inverser les rôles, on la retrouve encore dans la tradition chrétienne, dans la bouche du Christ plus exactement.
      C'est l'épisode désignée comme la parabole des aveugles (une parabole est un court récit contenant un enseignement d'ordre moral ou existentiel). Certes, cette fois-ci l'aveugle n'est pas celui qui voit le vrai là où personne d'autre n'y arrive ; mais ce sont encore des voyants qui se révèlent agir comme de purs et simples aveugles.
      Des Pharisiens viennent voir Jésus pour lui reprocher de ne pas respecter les interdits religieux. Il les remballent : ce sont eux qui inventent des interdits sans fondement, contraire à la parole sacrée de Dieu. Alors ses disciples s'approchent pour lui signaler que ce raisonnement a causé la chute de plus d'un Pharisien. Jésus dégaine donc sa comparaison de destruction massive : de toute façon, ce sont des aveugles et lorsqu'un aveugle guide des aveugles, tout le monde finit dans le fossé !
      « Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. » (Mt 15,14 ; Lc 6,39)

      Les voyants s'aveuglent. L'idée est suffisamment paradoxale pour séduire les artistes, dont un peintre flamand comme Peter Brueghel l'ancien ci-présent.
      Je le dis parce que le tableau, par son souci de réalisme dans sa représentation de vagabonds miséreux et de leurs infirmités, repose sur une même aspiration esthétique que le texte de Baudelaire : trouver une forme de beauté artistique dans la condition malheureuse des êtres-humains.       Mais il ne s'arrête pas à cela !
      Maintenant tu peux réellement comprendre l'attraction que les aveugles ont pu opérer sur Baudelaire. Il ne s'agit pas de la stricte peinture de la misère urbaine, évidemment centrale dans la section des Tableaux Parisiens ( de fait le poème coudoie « Les sept Vieillards » et « Les Petites Vieilles », autres figures marginales de l'implacable cité ). Non il s'agit surtout de questionner le regard !
      Que voient-ils, eux, les aveugles ?
      Et nous, que voyons-nous, voyants que nous sommes ?
      Cette misère que nous percevons en eux n'est-elle pas le voile d'une grandeur infinie ? Et n'est-ce pas dans le néant de ces yeux éteints que se laisse entrevoir l'Idéal divin ?
      Qui voit quoi ?
      La question est fondamentale pour le poto Baudelaire qui a misé comme tu le sais -comme Mister BAC te le rappelle- sur l'alchimie en poésie. Car celui qui se pose cette question est celui qui trouvera les moyens de transformer notre regard sur les choses. Peut-être nous apprendra-t-il un peu à voir comme des aveugles, en tirant miraculeusement des clairvoyants de simples voyants.
      Convertir les regards, c'est là le prodige-clé de l'alchimie baudelairienne !
      Prends en note, je te dis : ça sent l'exemple de 3ème partie... Voire de transition, oh yeah...
     

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Les Aveugles - Charles Baudelaire

Contemple-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux ! (12)
Pareils aux mannequins, vaguement ridicules ; (12)
Terribles, singuliers comme les somnambules, (12)
Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux. (12)

Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie, (12)
Comme s'ils regardaient au loin, restent levés (12)
Au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés (12)
Pencher rêveusement leur tête appesantie. (12)

Ils traversent ainsi le noir illimité, (12)
Ce frère du silence éternel. Ô cité ! (12)
Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles, (12)

Eprise du plaisir jusqu'à l'atrocité, (12)
Vois, je me traîne aussi ! mais, plus qu'eux hébété, (12)
Je dis : Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ? (12)

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Les Aveugles - Charles Baudelaire

I. Voir les non-voyants

1. L’image de la laideur

      Première réaction face aux aveugles: le dégoût grinçant devant l’image de la misère humaine.

      Contemple-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux !

D'ABORD :
      - opposition-clé du spirituel et du réel : un face-à-face explosif…
            -a) 1er hémistiche : apostrophe « mon âme »
                  = spirituel, en lien avec la tradition religieuse chrétienne ( l'âme qui survit dans l'au-delà par opposition à la chair )
            + terme « contempler »
                  = connotation méliorative, pour parler d'une oeuvre d’art notamment
                        -> nuance admirative liée à l'idée de beau
            -b) 2e hémistiche : la dépréciation des aveugles
                  = adj péjoratif « affreux »
                        + accentuation avec l'intensif « vraiment »
      => l’esprit regarde le monde avec dégoût
            = virulence marquée par l’exclamation et l’impératif
            ( l’âme doit se forcer pour les regarder )

      Pareils aux mannequins, vaguement ridicules ;

PUIS :
      - le dégoût prend une tournure moqueuse…
           = comparaison avec des « mannequins »
                  // « marionnettes » dans « Les Petites vieilles »
            déshumanisation fondée sur la gestuelle hésitante
                  = comme un manque d’esprit, renforçant donc l’opposition du spirituel et de la réalité
                       -> affirmation d'une supériorité moqueuse
                              = emploi de l'adj péjoratif « ridicules »
                              ( étymologiquement, = dont on peut rire )                         + allongement des mots, alourdissant le rythme
                              = mimétique de leur pesante maladresse des aveugles marchant
      / MAIS : nuance de l’adverbe « vaguement » au sens de ”grossièrement”
            = mot qui annonce le changement de ton à venir, après ce “ premier regard ”

      Le premier regard est donc péjoratif : la laideur du réel se fait jour dans l’image des aveugles.

2. Le symbole d’une énigme

      Mais se fait jour une énigme qui interroge le poète révisant sa première impression.

      Terribles, singuliers comme les somnambules

DE LÀ :
      - du grotesque moqueur au trouble inquiet
            = chiasme avec...
                  -a) v2 comparaison + adj qualificatif
                  / -b) v3 adj qualificatif + comparaison
            -> comme un passage...
                  -a) ...de l’endroit...
                        = l’apparence extérieure ridicule
                  -b) ...à l’envers !
                        = vie intérieure avec les rêves « somnambules »
      // accélération du rythme
            = coupe divisant le 1er hémistiche en 2
            ( 3 temps - virgule - 3 temps )
                  agitation, comme une inquiétude grandissante
                 // idée de terreur dans l’étymologie de « terribles »
                      + impression d'étrangeté
                              = emploi de l'adj qualificatif « singuliers »
                  -> connotation occultiste du somnambulisme.

      Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.

D'OÙ :
      - dimension nouvelle marquée par une contradiction paradoxale...
            -a) force positive du regard
                  = verbe « darder » renvoyant étymologiquement au...
                        -1 jet offensif ( dard = lance )
                        -2 rayon de lumière, et donc rayonnement
                             + mention du « globe »
                                    = référence au globe solaire qui brûle, notamment
                        -3 regard intense, souvent associé à une émotion violente ( colère avant tout )
            -b) secret en négatif du regard
                  = « on ne sait où »
                        // à relier à « singuliers »
                             -> accentuation du caractère hors-du-commun, au-dessus du reste du genre humain
                  + hypallage périphrastique « globes ténébreux »
                        = renversement dans l'aveuglement !
      ( ce ne sont pas les yeux des aveugles qui ne perçoivent que des ténèbres ; “on” ne perçoit que des ténèbres dans leurs yeux ;
face aux aveugles, “on” devient comme aveugle… )
      notre lumière ne suffit plus !
      ( nous sommes de vrais aveugles, incapables de percevoir la lumière que véhiculent les ténèbres de la cécité ! )

      L’énigme renversante est le pressentiment d’une lumière inédite, au-delà de toute obscurité.

II. Métaphysique des aveugles.

1. L’intuition du Ciel

      Leur apparence moquée, leur regard pénétré, les aveugles ouvrent une voie vers “leur” ciel.

      Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,
      Comme s'ils regardaient au loin, restent levés
      Au ciel

ALORS :
      - La cécité devient symbolique d’une déchéance religieuse
            = périphrase « divine étincelle »
                  -> la lumière se fait don de Dieu
                  // les premiers mots du Créateur, dans la Genèse ( première partie de la Bible ) : Fiat lux !
      / MAIS : emploi du passé composé
            = valeur de temps, idée d’achèvement irrémédiable
      → perte de la lumière qui débouche sur sa recherche désespérée au présent
            = emploi du présent avec les yeux qui « restent levés / au ciel” »
                  + dimension symbolique du « ciel »
                        = séjour de Dieu
      => comble du pathétique
           = les yeux aveugles interrogent du regard un Ciel qui les a privé de la lumière et de leur vue
                 + impuissance marquée par « comme s’ils regardaient… »
                        = comparaison contenant un irréel du présent
                  + impuissance accentuée par l’étirement d’une syntaxe morcelée...
                       -a) v5 : sujet « leurs yeux » isolé par la coupe au bout de 2 temps
                             -b) v6 : verbe « restent levés » isolé par une coupe au bout de 8 temps
                                    -c) v7 : rejet du complément du verbe « au ciel »
                  + rythme heurté
                        = césures, comme décalées, au milieu de « regardaient au loin » ou du GN « divine étincelle »
                             -> idée de rupture marquant la déchéance ?
                             ( Comme s'il y avait une séparation avec Dieu, marquée par la séparation de l'alexandrin en 2 )
      => impression de distance et d’efforts démesurés pour se porter jusqu’au ciel
      ( Dieu s’est fait inaccessible depuis le péché originel et l’exil hors de l’Eden perdu… )
            // thématique de la chute comme damnation divine, très importante dans la poésie de Baudelaire ;
            voir dans « Les Litanies de Satan » par exemple

      En suivant le regard vide des aveugles, le poète se porte jusqu’en un ciel mystique.

2. L’aveugle espérance.

      L’étrangeté grotesque des aveugles se renverse en quête d’une révélation religieuse.

À NOTER :
      - centralité du « ciel » par rapport à l’ensemble du poème
            → étape où culmine l’intuition du poète qui suit la “ vision ” des aveugles
                  = niveau céleste

      Au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés
      Pencher rêveusement leur tête appesantie.

AINSI :
      - affirmation d’un niveau céleste
            = métonymie « les pavés »
                  + négation partielle avec les adv « ne… jamais »
            -> rejet d'un élément symbolique de la vie terrestre, par opposition au monde céleste
      => supériorité sur le commun des mortels
            = emploi du « on » désignant une masse indistincte par opposition aux aveugles « singuliers »
                  + CCManière avec l'adv « rêveusement »
                        = inversion dans le rapport à la réalité
                        ( la vie terrestre est le lieu de la rêverie, non le ciel qui se tient pourtant si loin ;
                        de ce fait les voyants sont les vrais somnambules ! )
                  + engourdissement du rythme comme un endormissement
                        = v8 : mots longs avec digrammes rallongeant la lecture orale
                             + sonorités étouffés du P et du V

      Ils traversent ainsi le noir illimité,

ENFIN :
      - révélation de cette présence au ciel
            = étape marquée par le connecteur logique « ainsi »
                  -> comme la conclusion au terme de notre contemplation des aveugles
      révélation sous forme d'affirmation paradoxale : contradiction logique entre...
            -a) l’idée d’infini ( sans limite )
                  = « noir illimité »
            -b) l'idée de traversée ( délimitée par un début et une fin )
                  = « traversent », au sens...
                        1. passer d’un côté à l’autre : " il traverse la route ”
                        2. se trouver au milieu : “ Paris, que traverse la Seine ”
            => deux lectures ?...
                  -a) privilège de l’illimité
                        = dimension tragique d’une errance sans issue ?
                        ( l’obscurité de la cécité se prolongera avec celle de la mort, et la divine étincelle restera introuvable. )
                  -b) privilège de la traversée
                        = dimension mystique de cette ouverture au divin et à son caractère infini ?
                        ( parce qu'il ne voit plus le monde, le non-voyant parvient à toucher Dieu : il comprend dès lors ce qu'est l'infini ! )
      // renvoi à la tradition mentionnée en intro
            = dons “ extralucides ”, de voyance ou de prophétie prêtés aux aveugles, comme le devin Tirésias dans les tragédies

      Ce frère du silence éternel.

ALORS :
      - le poète s'expose à l'angoisse d'un univers qui n'est pas à mesure humaine
            = « silence éternel » redoublant la sensation visuelle par l’auditive, l’absence de couleur par l’absence de son
                  approfondissement de la misère humaine…
      // écho de la formule de Pascal ( penseur et moraliste du XVIème siècle )
            = « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. »
                  1ères découvertes scientifiques qui incitent à concevoir l'idée d'un espace infini
                  / MAIS en parallèle angoisse à l'idée d’un univers sans Dieu, et donc d’une solitude de l’Homme au milieu de cet espace infini et impersonnel…
      / MAIS retournement paradoxal simultané, face à la perte de repères
            = recours à la métaphore du lien de parenté « frère »
                  + dimension allégorique prêté au « noir illimité » et au « silence éternel »
            -> l'univers, impersonnel et angoissant, prend un tour " personnifié ” : il s'humanise
                  = intuition d'une présence divine au coeur de l’angoisse ?
                       // vision mystique au coeur de la cécité ?
                      ( C'est paradoxalement quand on perd de vue Dieu, que l'univers paraît absolument vide, qu'on parvient à renouer avec lui, de manière détournée )
      // idem pour Pascal : l’angoisse facilite le pari de la foi !
            = il nous suggère que mieux vaut chercher Dieu plutôt que de ne rien chercher…

      La révélation des aveugles se maintient dans une ambiguïté paradoxale, image de la grandeur non-dénuée de sa part de misère…

III. Déchéance du poète

1. Le bruit de la Cité

      De fait cet élan aveugle vers le ciel retombe parmi les voyants et le quotidien bruyant des cités

      Ô cité !
      Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,
      Eprise du plaisir jusqu'à l'atrocité,

SOUDAIN :
      - un cri jailli! au coeur du « silence éternel » !
            = apostrophe brusque et fracassante...
                  -a) interjection « Ô »
                        = emphase lyrique pour accentuer
                  -b) phrase non-verbale exclamative
                        = violence spontanée de l'énonciation
                  -c) contre-rejet
                        = accentuation de la rupture marquant le passage du thème céleste à celui de la cité terrestre
                  -b) interpellation allégorique
                        = choix de l'interlocuteur qui provoque la surprise
      -> interruption brusque de la percée au ciel, au travers de l’infini, à la suite des aveugles

      EN FAIT :
      - motif de la chute, de la déchéance et de la corruption, déclinée de différentes façons...
            -a) lien de la rime léonine « cité » / « atrocité »
            ( une rime léonine possède 2 syllabes parfaitement identiques )
                  la cité est un lieu associé au mal ; nous sommes passés de la traversée céleste à l’enfer terrestre
           -b) position du « nous » humain dans le CCLieu « autour de nous »
                  = image de l'encerclement
                        + renversement dû à l'interpellation allégorique !
                              = la ville personnifiée semble prendre le dessus sur la personne des êtres-humains, devenus anonymes et insignifiants
            -c) rythme ternaire ponctué par « beugles »
                  = passage de la joie festive à la bestialité, purement péjorative
            + écho sonore « éprise du plaisir » avec les sons P et S
                  = “ s’é-prendre ” étymologiquement signifie “ se mettre soi-même hors de soi ”, sorte de délire maniaque
                       -> ferveur qui prend un tour obsessionnel, et finalement malheureux
                = CCManière antithétique
                        -> le plaisir s’inverse en déplaisir ( avec « atrocité » )
           // notion du divertissement chez Pascal
                  = pour échapper à la considération de sa misère, marquée par la maladie, la mort, l'insignifiance etc. ;
                  l’Homme se divertit ( étymologiquement, idée de détourner le regard ) par le travail, les loisirs, les aventures etc ;                   mais cela suscite souffrance et lassitude ( = déplaisir )…
            / MAIS ici, détourner le regard devient écouter la cité
                  -> le son remplace la vue !
      => paradoxe !
      ( les voyants se comportent comme des aveugles : ils réduisent leurs perceptions aux seuls sons parce qu'ils ne peuvent soutenir la vue de leur condition malheureuse. )

      Nous détournant de la cécité, nous plongeons dans le bruyant aveuglement de l’enfer urbain.

2. Le sursaut du Poète

      Vois, je me traîne aussi ! mais, plus qu'eux hébété,

CEPENDANT :
      - Rupture du poète !
           **=**affirmation du « je » à l’encontre du collectif personnifié de la cité...
                  -a) commandement fort énoncé par le poète
                        = impératif « vois » renforcé par l’exclamative
                              -> réaffirmation du registre visuel
                                 ( il faut retrouver la vue en contrant le bruit assourdissant de la cité et du plaisir ! )
                  -b) affirmation d'une solidarité dès lors avec les aveugles
                        = formule péjorative « me traîne aussi »
                              -> identification au grotesque dont il se moquait pourtant dans la strophe 1
                  -c) surenchère dans la misère
                        = coordination d’opposition « mais » avec comparatif de supériorité « plus qu'... »
                              + « hébété » étymologiquement = privé de sensation et d’intelligence
                                    comble de la misère !
                                    ( le poète prétend avoir moins de sens que des aveugles privés du sens de la vue. )

      Je dis : Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ?

ENFIN :
      - aboutissement en forme de question
            // pointe : “ dénouement ” du sonnet, au fil des tercets, appuyé sur un élément de surprise ou un pied-de-nez aux lecteurs
                  -> ici question ouverte marquant la damnation irréductible du poète !
                        -a) pas assez aveugle pour se contenter du bruit de la cité...
                              ( il a vu et suivi leur regard au ciel, d’où la question qui se pose )
                        -b) pas assez clairvoyant pour pouvoir « traverser le noir illimité » !
                              ( il ne peut les suivre jusqu’au bout et sa question est vouée à rester sans réponse )
      => opposition forte, très accentuée
            = retrait de part et d'autres du vers, du « je » et de « tous ces aveugles »
                  + extraction pour isoler le GN à la toute fin du vers
                  ( *une extraction consiste à isoler un GN au moyen d'une virgule, en apposition ;
                  *par exemple : “ je l'ai mangée, la pomme. “ )
      => la confrontation ne permet pas l’union ; au centre demeure l’interrogation et l’incompréhension

      Au regard de Pascal, Baudelaire est le modèle de l’homme sans Dieu malheureux…

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